Adieu Monsieur Haffmann : l'amour au temps de l'Occupation


L'essentiel de la pièce se déroule dans un huis-clos entre Joseph Haffman et le couple Pierre et Isabelle, avant que n'entre l'ambassadeur de l'Allemagne à Paris, Otto Abetz pour un troisième acte à la tension à couper au couteau.
PAPEETE, le 1er septembre 2019 - Une pièce de théâtre qui parle d'amour, de famille et de fidélité en pleine Deuxième Guerre mondiale, dans un Paris occupé par les nazis… C'est le petit miracle inattendu proposé par Adieu Monsieur Haffmann au Grand Théâtre de la Maison de la culture.

Avant la première de "Adieu monsieur Haffmann" ce samedi, le public venu nombreux ne savait pas trop à quoi s'attendre. Certains s'attendaient à une pièce de théâtre dure, sur la déportation des juifs et les crimes de l'Allemagne nazi pendant la Deuxième Guerre mondiale… Mais une heure et demi plus tard, le sentiment était tout autre. Nous avons pu assister à une pièce qui fait chaud au cœur, qui parle d'amour, des relations d'un couple qui cherche à avoir un enfant malgré la stérilité, le tout ponctué de belles tranches de rire.

La guerre fait principalement office de cadre à l'histoire et sert à rajouter une tension dramatique certaine. Ainsi, au début de la pièce, la France a perdu la guerre et Paris est occupée. En 1942, les juifs doivent porter l'étoile jaune et sont persécutés. Joseph Haffmann, propriétaire juif d'une bijouterie, demande à son plus fidèle employé, le catholique Pierre, de reprendre l'entreprise pour lui éviter la ruine. Joseph se propose de se cacher dans la cave pour continuer de gérer les aspects administratifs. Pierre accepte, mais avec une condition très particulière : il est stérile mais rêve d'un enfant, donc il demande à son patron de mettre sa femme Isabelle enceinte…

Avec un tel démarrage, on s'attend à ce que la pièce tourne au drame ou à la comédie scabreuse, mais il n'en est rien. Nous explorons les relations de ce trio avec bonne humeur, une certaine inquiétude quand ils se mettent en danger, et surtout beaucoup de sentiments.

Ça fonctionne aussi parce que la pièce est servie par cinq acteurs de grand talent qui nous immergent rapidement dans l'histoire. Le résultat était si réussi que le public polynésien a terminé le spectacle par une longue standing ovation.
Il vous reste une semaine pour profiter vous aussi de ce petit bijou récompensé de quatre prix Molière. Deux représentations réservées aux scolaires seront organisées jeudi et vendredi, puis deux dernières représentations ouvertes au public seront organisées vendredi 6 septembre et samedi 7 septembre à 19h30.

Jean-Philippe Daguerre, auteur, metteur en scène et acteur

A la fin du spectacle les acteurs et l'auteur/metteur en scène Jean-Philippe Daguerre (le plus grand au milieu) sont venus partager un verre avec le public et la Compagnie du Caméléon qui les a fait venir.
"Je ne voulais pas faire un spectacle qui soit donneur de leçon. J'ai plutôt essayé d'écrire une histoire d'amour."

b[Comment vous est venue l'idée de cette pièce ? C'est une histoire vraie ?

Ce n'est pas du tout une histoire vraie, sauf les événements historiques. Les émissions de radio antisémites qui sont diffusées sont vraies également, je les avaient récupérées dans les archives et ça surprend beaucoup de gens que des choses pareilles aient été diffusées. J'avais aussi beaucoup d'amis qui ont eu des problèmes pour avoir des enfants, j'ai vu leur lutte, le prix de l'enfant dans certains couples, jusqu'où on est prêt à aller pour ça. J'ai eu trois couples d'amis qui se sont battus pendant six ans pour en avoir, ils ont tous réussi mais j'ai vu leurs moments de doutes, la séparation possible, les contraintes… Donc je me suis dit "si on plaçait ce sujet dans une période où il n'y avait pas les mêmes moyens pour avoir un enfant, à part passer par le voisin, le copain ou la famille…" Ça m'intéressait de mettre la petite histoire dans la grande. Je ne voulais pas faire un spectacle qui soit donneur de leçon, montrer l'horreur de l'étoile jaune à l'époque. Évidemment c'est présent dans la pièce, mais j'ai plutôt essayé d'écrire une histoire d'amour, avec un couple qui essaye de s'aimer malgré tout.

Dans le public certains venaient pour la première fois au théâtre, il y avait aussi des enfants, tous ont aimé le spectacle. Ca vous fait plaisir ?
Pour moi il n'y a pas plus beau, surtout quand il y a des jeunes qui viennent et qui apprécient. On a peur que les jeunes ne soient plus capables d'apprécier le théâtre parce qu'ils ont tellement d'offres multimédia. Donc quand on voit des enfants ou des gens qui viennent pour la première fois qui apprécient une pièce, pour nous c'est une victoire !

Les avis du public

La famille Quéméneur
La famille Quéméneur
La cadette (10 ans) : J'ai trouvé que c'était vraiment super. La pièce était vraiment bien interprétée, surtout à la fin on a tous eu un gros choc ! Au départ je pensais que ça allait être ennuyant mais finalement c'était génial.
La fille aînée : Le thème était assez adulte, mais à l'école on a étudié tous ces sujets, donc quand ils parlent de la rafle du Vel' d'Hiv, je savais de quoi ils parlaient. Pendant la pièce j'ai ressenti de la colère, de la tristesse, et en même temps un peu de joie. Et on a bien rigolé, c'était très intense !
Le papa : J'ai trouvé que c'était très bien joué, c'est un thème difficile qui a été extraordinairement bien représenté par les acteurs. Il y avait un vrai suspens, et on peut réagir sur le fait que ça se passait vraiment comme ça pour les couples stériles et que ça ne devait pas être facile à vivre...
La maman : Je suis contente d'avoir amené mes enfants, c'est génial d'avoir ce genre de pièces, ça rend l'histoire plus présente et plus compréhensive pour les enfants.

Tino
Je suis venu avec tout un groupe en situation précaire, on nous a offert cette soirée. Beaucoup d'entre nous n'étaient encore jamais allés au théâtre, et on a adoré, j'étais complètement dedans ! C'était vraiment intéressant, ça soulève un problème qui était difficile à résoudre à l'époque, celui de la stérilité. Aujourd'hui nous avons des moyens plus modernes, on n'est pas obligé de demander à un autre homme de passer sur sa femme… Le mari, celui qui devient patron à la place du patron, a une certaine haine qui monte en lui à l'encontre de son ancien boss, c'est très humain. Mais en vrai la pièce est cocasse, elle se situe pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais ce n'est pas le cœur de la pièce.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Dimanche 1 Septembre 2019 à 16:41 | Lu 1477 fois